La pluie se met à nouveau à tomber, bien plus fort que précédemment. Des nuages noirs s’amassent au-dessus de la carrière, menaçant les vivants ici présent de choir sur leur tête. Une odeur d’agile humide mélangée à une odeur de brûler flotte sur l’endroit.
Au centre, dans un renfoncement, trois individus paraissent s’affronter. Sur le côté, plus en hauteur, d’autres observent la scène, la mine critique. Un éclair jaillit, explosant une partie de la paroi argileuse dans un grondement sourd. Une averse de gravas de pierre s’abat alors sur le lieu.
Des cris fusent parmi les spectateurs. L’attaque est soudaine et dévastatrice, mais par chance, elle ne fait aucune victime. Les deux êtres à l’apparence humaine sont toujours sur le champ de bataille face à un démon aux allures de dragon blanc. Ils restent assez éloignés du monstre, commençant à hésiter à l’attaquer.

Dante! Ne sous-estimons pas cette dragonne! N’oublions pas qu’il s’agit d’un démon classé supérieur! Elle vaut largement ton père!

Le concerné sourit, jetant un rapide coup d’œil à celle qui venait de parler.

Là, c’est toi qui me sous-estime!
Je suis sérieuse!
Dante!

Une petite fille blonde déboule sur le terrain, s’interposant entre les combattants.

Stop! Arrêtez!

La fillette s’avance vers le dragon, se mettant volontairement en danger pour quelque chose qu’elle croit juste. Elle est persuadée que son amie n’est pas mauvaise, loin de là. Qu’au fond d’elle, elle est la gentille Lefko, celle qui protège les humains de ceux de sa race. Tous les bons moments qu’elle a passés avec elle lui reviennent en mémoire. Elle n’arrive pas à se persuader que ce monstre sanguinaire est son amie.
La petite fille s’approche encore, ne tenant pas compte des cris d’alerte de ses autres compagnons.

Lefko…

Le dragon blanc pose son regard sanglant sur la petite, grognant méchamment.

Lefko! C’est moi, Patty! Tu ne me reconnais pas? Je suis ton amie pourtant!
Patty! Va-t’en!

Lady court déjà vers la jeune fille, voyant l’attaque venir. Mais elle est trop éloignée pour arriver à temps. Le démon plonge sa tête vers l’avant, droit sur la petite fille qui hurle de terreur. Le sang gicle, teintant le sol humide de rouge sombre…

Lefko… connue aussi sous le nom de Vent Blanc, rebelle aux côtés du puissant démon Sparda. Tout comme lui, elle apportait espoir et réconfort auprès des humains. Mais les temps changent, influençant les vivants sous sa domination. Il en va de même pour les démons, personne n’échappe aux changements perpétuels du monde.

Pourtant, la question que tout le monde se pose en lisant ces quelques lignes est pourquoi un démon protecteur de la race humaine peut subitement changer de bord.
Pour mieux comprendre cette histoire, il faut justement remonter dans le temps, au moment où le Vent Blanc revient souffler sa brise d’espoir sur l’humanité…



Devil May Cry… une agence réputée dans la chasse aux démons.
La porte s’ouvrit dans un faible grincement, laissant apparaitre deux silhouettes, l’une plus petites que l’autre. Une femme d’apparence jeune et une fillette qui avait l’air d’avoir treize ans. Elles entrèrent tous les deux et observèrent un instant les lieux.
Il y avait des cartons à pizza qui trainaient ici et là, souvent accompagnés de cannettes de soda et de magasins en tous genres. La fillette fit la moue en voyant tout ce bazar dans la pièce. Elle jette ensuite un regard noir au propriétaire des lieux qui dormait tranquillement dans un divan, un magasine ouvert sur la tête.
Patty s’avança vers lui avant de le secouer comme un vieux chiffon tout en lui criant:

Dante! Je ne vais pas venir nettoyer ton bureau toutes les lunes!

Dante releva lentement son magasine pour regarder Patty, un sourire au bord des lèvres.

Fais! Je t’en prie!

La petite fille le secoua encore, vexée par ses paroles.
Derrière elle, Lady s’approcha lentement du duo en riant. Les retrouvailles étaient plutôt mouvementées, pire que ce qu’elle avait imaginé. Il n’empêche que la situation avait quelque chose de cocasse. La jeune femme se devait d’intervenir avant que tout ne dégénère même si elle doutait que les choses iraient jusque-là. Après tout, il s’agissait de retrouvailles, personne n’était là pour critiquer ou blesser quelqu’un d’autre.

Bon, je propose d’aller fêter nos retrouvailles dans un endroit plus approprié! Après tout, voilà bien deux ans qu’on ne s’était plus vu!

Plusieurs attractions avaient élu domicile pour un temps sur la grande place juste à côté du parc. Il y avait une grande roue qui tournait lentement sur elle-même, une maison hantée d’où sortaient des gens terrifiés mais riant, des montagnes russes qui décrochaient des hurlements et tout un tas de petites attractions comme la pêche aux canards, le tir aux ballons ou encore les clowns qui faisaient leurs pitreries.
La place entière avait pris une ambiance festive, rimant avec les rires qui fusaient de toutes parts et les ballons gonflés à l’hélium qui s’envolaient lentement vers le ciel pour le colorer de rouge, de jaune et de vert. Une odeur de barbe à papa et de gaufre flottaient dans l’air, embaumant l’endroit d’un parfum doux et sucré.
De nombreux enfants couraient dans tous les sens, tirant leurs parents par la main vers l’un ou l’autre jeu. Patty était dans le même état que tous ces gamins, excitée et trépignante de joie. Elle était en tête, Dante et Lady marchant tranquillement derrière elle.

La fête foraine? Tu ne moque de moi?
Allez Dante! Amuse-toi! Regarde Patty, elle est vraiment heureuse!

Le concerné ne répondit rien, continuant d’avancer. Lady soupira et rejoignit la fillette qui était fort attirée par la pêche aux canards. La jeune femme lui sourit et proposa de lui payer une partie. Elle sortit son portefeuille et donna l’argent au forain. La petite fille saisit sa canne à pêche et tenta d’attraper son premier canard.
Une fois tous les jouets en plastique dans son panier, elle put recevoir son prix. Le gérant lui offrit ce qu’elle demanda, c’est-à-dire un magnifique ours en peluche. Patty alla le montrer à Dante qui ne fit aucun commentaire sur son cadeau. La fillette fit la moue, mais ne se mit pas en colère. Elle préféra retourner auprès de Lady qui voulait faire un tour de montagne russe. Mais à peine avaient-elles fait quelques pas qu’elles se firent accoster par un clown aux allures plutôt étranges.
Il était habillé de rouge et de blanc, ressemblant plus à un bouffon avec ses lignes et ses carreaux qu’à un clown. Il riait tout le temps, sans qu’on sache pourquoi ce qui en mettait plus d’un mal à l’aise. Son visage était étonnamment expressif, passant de la joie à la tristesse en un clin d’œil. Et dans ses yeux brillait une lueur malsaine, presque démentielle. Le clown s’arrêta juste devant Patty et la salua d’un signe de la main. La fillette ne parut pas très rassurée de le voir même si celui-ci lui offrit un ballon. D’ailleurs, ce ballon était tout aussi bizarre que lui. Il était d’un rouge terne sur lequel étaient dessiné les traits principaux d’un visage, à savoir les yeux, le nez et la bouche. Le tout formait une expression triste et désespérée. Rien de bien amical…
Le clown essaya de lui accrocher ce fameux ballon au poignet mais la petite fille se déroba et se cacha derrière Lady. Celle-ci s’apprêtait à lui répondre lorsque Dante intervint:

Bon, toi le clown grotesque, fiche le camp!

Le bouffon leva son regard vers lui, puis lui lança un sourire amusé. Dante le toisa sans laisser paraitre la moindre de ses émotions. Plus il l’observait plus il le trouvait bizarre. Ce pitre n’avait pas beaucoup de points en commun avec les clowns qu’on avait l’habitude de croiser sur les fêtes foraines. Le chasseur de démons le soupçonnait d’être quelqu’un de malhonnête ou pire encore… d’être l’une des créatures qu’il traque.
Un violent coup de vent balaya la fête foraine, faisant s’envoler de nombreux ballons dont celui que le clown voulait attacher au poignet de Patty. Le bouffon le regarda s’enfuir vers le ciel avec un air d’ahuri. Il lâcha un « oups » avant d’éclater de rire et de courir vers l’entrée du parc en chantonnant une chanson sinistre. Il rejoignit une personne qui l’attendait près des grilles. D’un clignement des yeux, un dragon blanc se tenait au même endroit, droit et fier. D’un autre battement de cils, une femme se trouvait là, debout à côté du clown avant de disparaitre dans le parc en sa compagnie.
Dante l’observa un instant, ayant certains doutes à son sujet. Un démon, sans hésitation. Mais différent de ceux qu’il avait déjà pu voir…
Il ne put pas davantage se poser la question, la fillette lui tirant la manche.

Qu’est-ce que tu regardes?

Le chasseur baissa son regard sur la fillette et secoua négativement la tête. Il ne tenait pas à mêler Patty à ses affaires une fois de plus. Ce clown et ce démon-dragon attiraient son attention au plus haut point. Il n’avait plus senti une aura aussi puissante depuis des années… il en était certain, il en entendrait reparler bien assez vite.
Pour l’instant, Dante éloigna Patty vers la grande roue, bien décidé à aller faire un tour avec elle juste pour l’écarter du danger qui se profilait à l’horizon.